Bush
George Bush : Traduit par Jean - Marie FLEMAL
INTRODUCTION - PRÉAMBULE: Un
Caligula américain La thèse de ce livre est simple :
Si George Bush devait être réélu en novembre 1992 pour un second mandat de président
des États - Unis, ce pays et le reste du monde devraient affronter une
catastrophe d'une ampleur gigantesque. L' ouvrage que nous soumettons ici
à l' appréciation de l' opinion publique est, à notre connaissance, la première
biographie non autorisée et sous forme de livre de George Bush. Il s' agit de
la première approche de la vérité à propos de sa vie. C' est la première
biographie digne de ce nom, et c' est un fait qui en dit long sur le sinistre
pouvoir et le souci obsessionnel de dissimulation qui ronge le personnage.
Aucune des autres biographies se prétendant telles (y compris l' autobiographie
de Bush destinée à sa campagne électorale) ne peut être prise au sérieux :
chacun de ces ouvrages est un pastiche truffé de mensonges, de distorsions et
de banalités en tous genres, allant du panégyrique électoral au gros mensonge
à la Goebbels, visant à forger de toutes pièces des histoires édifiantes
destinées à émouvoir des enfants crédules. Il n' y a vraiment guère d'
exception où la littérature disponible sur Bush ne soit dénuée de la moindre
valeur.
La biographie indésirable
--- par Webster G. Tarpley & Anton Chaitkin
La nécessité d' écrire ce livre s' est imposée de façon irrésistible dans
l' esprit de ses auteurs à la suite du massacre monstrueux de la guerre d'
Irak, en janvier et février 1991. Cette guerre était un acte de génocide
sauvage et prémédité de la part de Bush, entrepris de connivence avec une
clique de Londres qui, dans sa continuité historique, se faisait la représentante
à la fois du pire ennemi des intérêts à long terme du peuple américain et
de l' adversaire le plus implacable du progrès de l' espèce humaine.
Les auteurs ont observé très soigneusement George Bush à mesure que se déroulait
la crise du Golfe et la guerre et ils ont eu la certitude que ses débordements
de colère en public constituaient de véritables crises psychotiques révélatrices
d' un état mental très perturbé, de très mauvais augure pour l' humanité.
Les auteurs ont également été horrifiés par le degré d' ignorance
bienveillante de leurs concitoyens à propos de la réalité révoltante de ces
crises en public. Une majorité d' Américains s' est avérée disposée à prêter
son soutien à une méprisable entreprise de boucherie.
Par leurs votes d'appel du 12 janvier 1991, le Sénat et la Chambre des Représentants
ont donné leur feu vert aux mesures de guerre imminentes, planifiées par Bush
en vue de réinstaller dans son pouvoir l' émir du Koweït, un homme qui, au
sens propre de l' expression, possède des esclaves. Ce vote était un crime
contre la justice de Dieu.
Ce livre fait partie d' une tentative de les aider à survivre quoi qu 'il
arrive, à la fois pour la sauvegarde du monde et pour la leur propre. Il a été
conçu comme une contribution à un processus éducatif qui pourrait encore
sauver le peuple américain des horribles destructions que signifierait un
second mandat en faveur de Bush. En outre, il a été conçu comme un
avertissement à tous les citoyens : s'ils ne refusent pas un second mandat à
Bush, ils mériteront pleinement ce qui leur tombera dessus après 1993.
Puisque ce livre sera sous presse en automne 1991, la conscience que le public a
de la dépression à long terme de l' économie américaine croîtra rapidement.
Si Bush devait être réélu, il se considérerait comme étant hors d' atteinte
des électeurs et de la volonté populaire; avec un déficit fédéral grimpant
de plus d' un milliard de dollars chaque jour, une seconde administration Bush
dicterait sans aucun doute une austérité tellement écrasante qu' elle amènerait
le pays au bord de la guerre civile. Nombre de signes avant - coureurs de ce qui
pourrait se produire sont décrits dans le dernier chapitre de ce libre. Notre
but a été de réunir le plus d' éléments véridiques possible sur Bush dans
les limites temporelles imposées par les élections de 1992. Ni le temps ni les
ressources n' ont permis d' accorder une attention des plus minutieuses à
certains détails; nous pouvons dire, toutefois, que notre engagement solennel
à dire la vérité et que notre produit fini sont de meilleure qualité que
tout ce que quiconque a été en mesure de montrer, y compris les organisations
spécialistes de l' info et les services de renseignement dont les moyens en
tous genres surpassent de loin les nôtres. Comment pouvons - nous espérer
combattre ce tout - puissant cartel du pouvoir qui entoure Bush avec une
biographie, un simple livre ? Nous ne nous berçons guère d' illusions sur un
succès facile, mais nous avons été encouragés dans notre travail par l'
espoir qu' une biographie pourrait stimuler l' opposition à Bush et à ses menées
politiques. Et, ne serait - ce que par ses qualités novatrices, il posera
certainement toute une nouvelle série de problèmes à ceux qui cherchent à
faire réélire Bush. Car, bien que Bush soit aujourd'hui ce que les
journalistes appellent un dirigeant mondial, aucun compte rendu véridique de sa
véritable carrière n' a encore été mis à la disposition du public.
Mais, avec Bush, ce n' est que le début du problème. Les antécédents de la
famille Bush en ont fait un atout des réseaux de la Brown Brothers, Harriman,
l' une des forces politiques les plus puissantes des États - Unis durant une
bonne partie du 20e siècle et, durant des années, la plus importante banque
privée du monde. Il suffit dans ce contexte de penser à Averell Harriman en
train de négocier, au cours de la Seconde Guerre mondiale et au nom des États
- Unis, avec Churchill et Staline, ou au rôle de Robert Lovett, partenaire de
la Brown Brothers, Harriman, dans son rôle de mentor de John F. Kennedy lors du
choix de son cabinet par ce dernier, pour commencer à comprendre les
implications du poste du sénateur Prescott Bush en tant qu' associé gérant de
cette banque. Les réseaux de la Brown Brothers, Harriman s'infiltrent dans le
gouvernement et les mass - media. Maintes fois au cours de ces pages, nous
verrons des histoires des plus embarrassantes pour George Bush se voir interdire
la publication, des documents gênants pour Bush disparaître de façon louche
et des témoins à charge contre Bush se faire rattraper par des morts à tout
le moins mystérieuses et particulièrement opportunes dans le temps. Les
quelques faits pertinents qui ont fait surface, çà et là, dans le domaine
public, ont été nécessairement filtrés par cet appareil gigantesque. Ce
problème a été réglé par la corruption des auteurs, des journalistes, des
directions d' information et des éditeurs qui ont fonctionné de plus en plus
en tant qu' avocats entretenus au service de Bush. George Bush veut à tout prix
que les aspects principaux de son existence demeurent occultés. En même temps,
il se rend compte que son besoin de dissimulation présente un côté vulnérable.
Le besoin de protéger son côté faible explique le flot permanent de matériel
biographique et historique bidon concernant George, de même que l' essorage
auquel on a soumis de nombreuses études sur l' histoire récente qui ne peuvent
jamais parler de lui directement. Ces quelques derniers mois, nous avons vu paraître,
sur le Watergate, un ouvrage qui prétend présenter des éléments neufs au
public et qui désigne Al Haig comme étant Deep Throat, mais qui ignore, par
ailleurs, le rôle primordial de George Bush et de ses partenaires d'affaires
dans cette même affaire du Watergate. Nous disposons d'un nouvel ouvrage, cette
fois de la plume du lieutenant - colonel Oliver North, qui affirme que Roland
Reagan savait tout au sujet de l' affaire des contras en Iran, mais que Bush ne
faisait pas partie de la chaîne de commandement de North. Ce dernier
point n' est qu'une paraphrase des propres excuses boiteuses de Bush prétendant
qu' il était « hors circuit » durant toutes ces transactions illégales. Au
cours des enquêtes et auditions concernant la nomination de Robert Gates au
poste de directeur des Renseignements Généraux (Central Intelligence),
personne n' eut rien de neuf à ajouter sur le rôle de George Bush, patron du
bureau de crise du groupe des situations d'exception du Conseil National de la Sécurité,
bureau qui fut l' un des centres de commandement de toute l' affaire. Ces
mascarades sont colportées à l'usage d' un public hyper -crédule par des
agents dont la tâche va bien au - delà du simple contrôle des préjudices
puisqu' elle contrôle également les esprits - le fameux « MK » dans l'opération
gouvernementale estampillée « MK Ultra ». Ces coudées franches dont George
Bush a bénéficié au cours des élections de 1988 se reflètent, entre autres,
dans le fait qu' en aucun moment de la campagne, on n' a assisté à la moindre
tentative sérieuse de la part des prétendus organismes d 'information de
fournir au public quelque chose qui puisse ressembler de près ou de loin à un
compte rendu crédible et complet de la carrière politique de notre homme. Deux
biographies au moins de Dukakis furent publiées qui, bien qu 'à peine
critiques, n' étaient pas non plus uniformément flatteuses. Mais, dans le cas
de Bush, tout ce que le public eut à se mettre sous la dent se limita à l'
ancienne biographie électorale de Bush de 1980 et à une autobiographie électorale
plus récente, toutes deux n' étant, en fait, que des tissus de mensonges.
Tout au début de nos recherches en vue de la rédaction du présent ouvrage, il
est devenu apparent que tous les livres et la plupart des articles plus longs
traitant de la vie de George Bush avaient été engendrés à partir d' une
liste de « faits », concernant Bush et sa famille, qui avait été complètement
expurgée, approuvée et canoniquement admise par le clan de notre homme. Nous
apprîmes qu' au cours des années 1979 - 1980, Pete Roussel, l' assistant de
Bush, avait tenté de recruter des biographes en vue de préparer une « vie de
Bush » à partir d' une collection de communiqués de presse, de rappels de
titres et de tout un matériel prédigéré du même acabit. La plupart
des écrits biographiques concernant Bush se composent tout simplement d' éléments
extraits de cette liste, échelonnés chronologiquement et transformés en récit
émaillé d' interprétations de commentaires, d' anecdotes, d' enjolivures ou
de procédés stylistiques spéciaux. La liste autorisée, admise par Bush, est
facilement identifiable. Un détail en disait long, au point de faire l' objet
d' une plaisanterie chez les auteurs de la présente étude : il s' agissait de
la constance absolue avec laquelle les pisse - copies chargés de dissimuler la
substance même de l' existence de Bush mentionnaient une Studebaker rouge de
1947 que George Bush avait prétendument conduite vers Odessa, Texas, en 1948.
C' est le genre de détail par lequel cette engeance d' écrivaillons tentent d'
humaniser leur sujet, de la même façon que les fers à cheval, les couennes de
porc et la musique de country and western ont été introduits dans la vie réelle
de Bush dans une tentative délibérée et trompeuse d' humaniser son image.
Notre expérience nous a montré que chaque texte faisant référence à la
Studebaker rouge de Bush dérivait probablement de la liste des faits approuvés
par Bush lui - même et qu' elle était dès lors pratiquement sans valeur pour
des recherches sérieuses autour de l' existence de notre homme. Par conséquent,
nous avons rattaché ce genre de textes à l' « école de la Studebaker rouge
» de dissimulation et de falsification.
Quelques exemples ? Celui - ci est tiré de l' autobiographie électoraliste de
Bush, Looking Forward (Le regard tourné vers l'avant), écrite en réalité par
son assistant Vic Gold : Je me rendais au Texas dans ma Studebaker, et tout ce
que je savais du paysage de cet État, c'est ce que j' en avais vu du cockpit d'
un Vultee Vibrator durant ma période d' entraînement dans la Navy. [n.1]
Voici le même épisode tel que le décrit le copain de Bush, Fitzhugh Green,
ami du financier malthusien Russell Train, dans son George Bush: An Intimate
Portrait (GB, un portrait intime), publié après que Bush eut conquis la présidence
:
Il [Bush] chargea sa Studebaker 1948, fit en sorte que sa femme et son fils le
suivent, et se mit en route pour Odessa, Texas. [n.2]
En 1983, Harry Hurt III a écrit les lignes suivantes pour un article dans un
magazine texan, orné en prime d' un dessin apparemment censé représenter une
Studebaker, mais qui, en fait, ne ressemble absolument pas à une Studebaker de
cette époque : Durant l' été 1948, lorsque George Herbert Walker Bush prit la
direction d' Odessa avec sa Studebaker rouge toute cabossée, la population de
la ville, bien qu' en hausse constante du fait de la main - d'ouvre pétrolière
nouvellement débarquée, ne comptait toujours pas 30.000 habitants. [n.3]
Nous voyons que Harry Hurt a plus d' imagination que nombre de biographes de
Bush, et son article fournit quelques faits utiles. Plus faible est la version
que nous propose Richard Ben Kramer, dont on attend la publication en 1992 et
qui est donc censée servir de biographie de campagne en vue de préparer le
terrain à la seconde victoire électorale de Bush. Puisse Dieu nous venir en
aide. Cramer s' est vu confier la tâche peu enviable de donner vie une fois de
plus à cette même vieille liste éculée. Mais le fait même que l' équipe de
Bush sent qu' elle a besoin d'une nouvelle biographie indique qu' elle se rend
compte qu' elle est ici potentiellement vulnérable. Cramer a tenté de résoudre
son problème est remodelant la même vieille camelote dans un style frénétique,
hyper - cinétique, voire hyper - thiroïdien, serions - nous tentés de dire.
Les lignes qui suivent proviennent d' un passage de cet ouvrage à paraître, et
qui a été publié dans Esquire, en juin 1991 : En juin, après les Séries
mondiales des collèges et la journée de remise des diplômes à New Haven,
Poppy chargea sa nouvelle Studebaker rouge (un cadeau de fin d' études de Pres)
et mit le cap sur le sud. [n.4]
Cette Studebaker était - elle flambant neuve, ou vieille et toute cabossée ?
Peut - être la liste autorisée ne mentionne - t - elle ce détail; en tout
cas, nous pouvons voir que nos autorités divergent sur ce point.
Flight of the Avenger (Le vol du Vengeur), le roman de Joe Hyams sur la guerre
de Bush, sorti en 1991, ne reprend pas cette référence obligée à la
Studebaker rouge », mais la chose est plus que compensée par une adulation des
plus élaborées à propos d' autres détails des états de service de notre héros
durant la guerre [n.5]. La publication de Flight of the Avenger, qui se
concentre sur la narration héroïque des souvenirs de guerre de Bush et ignore
toute preuve qui pourrait contribuer à dégonfler ce mythe, a été minutée de
façon à coïncider avec la crise du Golfe et la guerre de Bush contre l' Irak.
Il s'agit d' un tract ignoble écrit avec l'aide ouverte de Bush, de Barbara
Bush et de l' équipe de la Maison - Blanche. Flight of the Avenger rappelle la
pratique des États totalitaires qui veut qu' une guerre menée par le régime
devrait être accompagnée de propagande dépeignant l' homme fort du régime
dans la posture martiale qui convient le mieux au moment. En tout cas, ce livre
traite de la vie de Bush jusqu' à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et nous
n' arrivons donc jamais à Odessa. Un seul des longs comptes rendus complets
produits par la machine de propagande de Bush à propos de son candidat néglige
l' histoire de la Studebaker rouge. Il s' agit de George Bush: A Biography, de
Nicholas King, sortie suite aux efforts de Pete Roussel en vue de la campagne de
1980.
Nicholas King a été le porte - parole de Bush lorsqu' il était ambassadeur
des États - Unis aux Nations unies. King admet au début de son ouvrage qu 'il
peut être récusé pour avoir écrit un ouvrage faisant montre d' une apologie
la plus transparente qui soit : « Rétrospectivement », écrit-il dans sa préface,
« ce livre peut sembler prêter le flanc à l' accusation de flatterie exagérée,
car le portrait de son sujet est présenté partout sous un angle favorable. »[n.6]
Bien sûr !
Les ouvrages sur Barbara Bush rappellent servilement les mêmes détails tirés
de la même liste autorisée. Voici un extrait caractéristique tiré de l'
ouvrage chaudement admiratif Simply Barabara Bush: A Portrait of America's
Candid First Lady (Barbara Bush, tout simplement : Portrait de la franche et
sincère première dame des États - Unis), écrit par Donnie Radcliffe et publié
après la victoire électorale de Bush en 1988 : Avec les 3.000 dollars qui lui
restaient après son diplôme, en juin 1948, George se rendit au Texas dans la
Studebaker rouge de 1947 que son père lui avait donnée pour son diplôme, après
que sa voiture eut rendu l'âme sur l' autoroute. [n.7]
Même des journalistes étrangers tentant d'informer leur public sur les
conditions régnant aux États - Unis ont été victimes de cette même vieille
liste autorisée de Bush. L'écrivain et journaliste allemand Rainer Bonhorst,
ancien correspondant à Washington du Westdeutsche Allgemeine Zeitung, dans son
ouvrage de 1988 intitulé George Bush: Der neue Mann im Weissen Haus (GB : le
nouvel homme de la Maison - Blanche), a intitulé un chapitre de cette
biographie politique « Im roten Studebaker nach Texas » (Au Texas en
Studebaker rouge). Bonhorst écrit ce qui suit : Dann war da noch die Sache mit
dem roten Studebaker. Sie spielt--gleich nach dem Weltkriegseinsatz-- eine
zweite zentrale Rolle in der Lebensgeschichte des George Bush. Es ist die
Geschichte seiner Rebellion. Der Schritt, der
aus dem steifen Neuenglaender einen laessigen Texaner machte, aus dem reich
geborenen Patriziersohn einen Selfmademann. [...] Also packten George und
Barbara Bush, 24 und 23 Jahre alt, er gerade mit dem Studium fertig, sie vorzeitigaus
ihrer Universitaet ausgeschieden und seit ein paar Monaten Mutter, ihr Baby und
ihre Koffer und luden sie auf ihr knallrotes Studebaker-Coupe. "Ein
supermoderner, schnittiger Wagen, allerdings etwas laut fuer den neuenglischen
Geschmack," erinnerten sich die Bushs spaeter. Aber schliesslich ging es ja
ab nach Texas. [n.8]
Nous voyons que Bonhorst est pleinement conscient de l' importance symbolique
revêtue par la Studebaker rouge dans ces comptes rendus hagiographiques de la
vie de Bush.
Quelle est la vérité, en fin de compte, dans cette affaire ? Il y a une bonne
raison de croire, d' abord, que George Bush ne s' est pas rendu à Odessa,
Texas, en Studebaker rouge. Une source bien informée n' est autre que le magnat
bien connu du pétrole texan, Oscar Wyatt, de Houston, et contributeur de la
campagne de Bush. Dans une lettre récente au Texas Monthly, Wyatt précise que
« lorsque des gens parlent des humbles débuts de M. Bush dans l' industrie du
pétrole, il convient de faire remarquer, en fait, qu' il est descendu au Texas
avec l' avion privé de Dresser. Il était accompagné de son père qui, à l 'époque,
était l' un des directeurs de Dresser Industries. » « Je déteste que les
gens fassent des déclarations à propos des humbles débuts de M. Bush dans l'
industrie pétrolière. Voici exactement comment les choses se sont passées »,
écrit M. Wyatt. [n.9] Dresser était une compagnie de Harriman, et Bush fit ses
débuts en travaillant pour l' une de ses filiales. Un historique de Dresser
Industries contient une photographie de George Bush avec ses parents, sa femme
et un petit garçon en face d' un appareil de la compagnie Dresser, dans le
Texas occidental ». [n.10] Ceci peut - il être une photo représentant l'
arrivée de Bush à Odessa durant l' été 1948 ? En tout cas, ce mythe très
prisé par la plupart des biographes de Bush prête considérablement le flanc
au doute. Les dynasties flatteuses de tyrans sanguinaires ne sont pas
neuves, dans la littérature mondiale. L'école de la Studebaker rouge remonte
à très longtemps; ces écrivains actuels peuvent être utilement comparés à
un certain Gaius Velleius Paterculus, qui vivait dans l' Empire romain à l' époque
des empereurs Auguste et Tibère et qui fut donc plus ou moins contemporain de Jésus-Christ.
Velleius Paterculus fut un historien et un biographe et il est connu aujourd'hui
pour ses notes biographiques sur l' empereur Tibère, notes contenues dans son
histoire de Rome, depuis les origines jusqu'à sa propre époque.. Paterculus,
écrivant sous le règne de Tibère, réserva un traitement très favorable à
Jules César, et versa dans l'excès une fois qu'il aborda Auguste. Mais les
pires excès dans la flatterie se rencontrent dans sa façon d'aborder Tibère
en personne. Voici un extrait de ce qu'il écrit à propos de ce dirigeant
tyrannique :
"Parmi les transactions des seize dernières années, lesquelles ont survécu
et sont restées vivaces dans la mémoire de tous ceux qui auraient la présomption
d'en faire un compte rendu intégral ? (.) On a restauré le crédit dans les
affaires marchandes, on a banni la sédition du forum, la corruption de Champ de
Mars et la discorde du siège du sénat; la justice, l' équité et l'assiduité
au travail, que l'on avait longtemps négligées, ont été remises en honneur
dans l' État; on a donné de l'autorité aux magistrats, de la majesté au sénat,
de la solennité aux cours de justice; les émeutes sanglantes du théâtre ont
été supprimées et tous les hommes ont soit un désir stimulé en eux, soit
une nécessité qui s'impose à leur esprit, d'agir avec intégrité. Les actes
de courage sont honorés, les actions méchantes punies. L'humble respecte
le puissant sans le maudire; le puissant prend le pas sur l'humble, sans
toutefois le condamner. Quand les prix des marchandises ont-ils jamais été
plus raisonnables ? Quand les bénédictions de la paix ont-elles jamais été
si abondantes ? La paix d'Auguste, propagée dans toutes les régions de
l'Orient et de l'Occident, et dans toutes celles situées entre le Sud et le
Nord, protège chaque coin du monde de toutes les atrocités des agressions prédatrices.
Quant aux dommages subis non seulement par les individus, mais également par
les cités, la munificence du prince est toute disposée à les couvrir. Les
villes d'Asie ont été réparées; les provinces ont été protégées contre
l'oppression de leurs gouverneurs. Les honneurs récompensent promptement ceux
qui les méritent et le châtiment des coupables, même s'il est lent à venir,
est assuré. L'intérêt cède le pas à la justice, la sollicitation au mérite.
Car le meilleur des princes apprend à ses administrés à agir selon sa propre
pratique; et si, en pouvoir, c'est lui le plus grand, il l'est encore plus par
l'exemple. Après avoir livré un survol général de l'administration de Tibère
César, énumérons maintenant quelques-unes de ses particularités. [...]
Quelle guerre formidable, déclenchée par le chef gaulois Sacrovir et par
Julius Florius, il réprima ! et avec une telle rapidité étonnante, une telle
énergie, que le peuple romain sut qu'il était un conquérant bien avant d'
avoir su qu'il était en guerre, et la nouvelle de la victoire supplanta celle
du danger ! La guerre d'Afrique, elle aussi, aussi périlleuse qu'elle fût, et
augmentant jour après jour en intensité, fut rapidement terminée sous ses
auspices et sa direction. [...] Quelles structures a-t-il érigées en son
propre nom et celui de sa famille ! Avec quelle munificence emplie d' égards,
allant même au-delà ce que l'on pourrait croire, a-t-il érigé un temple en
l'honneur de son père ! [...] Avec quelle aisance vis-à-vis du public
organise-t-il la levée des troupes, une affaire où l'appréhension pourtant
est constante et extrême, et sans cette consternation qui accompagne toute levée
! [n.11]"
Tout ceci a été écrit à la louange du régime qui crucifia Jésus Christ et
qui fut l'une des tyrannies les plus génocidaires de l'histoire du monde.
Paterculus, devons-nous conclure avec tristesse, était un sycophante de l'
administration de Tibère. Certains de ses thèmes sont étonnamment proches de
la propagande actuelle de la machine de Bush.
Non content d'alimenter le culte de la personnalité de Tibère, Paterculus se
montra également très prodigue de louanges à l'égard de Lucius Aelius Séjan,
le préfet de la Garde prétorienne et, durant de nombreuses années, le favori
numéro un de Tibère, son second aux commandes, et son successeur probable. A
de nombreux égards, Séjan ne différait pas de James Baker III sous le régime
de Bush. Alors que Tibère passait tout son temps calfeutré dans son île de
Capri, près de Naples, Séjan, jour après jour, assumait le contrôle du vaste
empire et de ses 100 millions de sujets. Paterculus écrivit de Séjan qu'il était
« un coadjuteur exceptionnel dans toutes les tâches du gouvernement (.) un
homme d'une gravité plaisante et d'une bonne humeur sans affectation (.) ne
recherchant pas son propre profit ». C'était la déjà voix de la Studebaker
rouge, mais dans les années 30 de notre ère. Paterculus aurait mieux fait de
limiter ses flatteries à la seule personne de Tibère car, un peu plus tard, ce
dernier, soupçonnant la préparation d'un coup d'État, condamna Séjan
et le fit écarteler en guise d'atroce récompense. Mais pourquoi rappeler Rome
? Certains lecteurs, et pas seulement des Républicains bon teint, peuvent être
scandalisés par les choses que la vérité nous oblige à mentionner à propos
d'un président en place des Etats-Unis. Ne manquons-nous pas de respect à l'égard
de cette haute fonction ? Pas du tout. L'une des raisons qui nous fait retourner
à la Rome impériale est que nous devons nous rappeler qu'en des temps de
dégradation morale et culturelle comme les nôtres, des dirigeants particulièrement
néfastes ont infligé des souffrances incalculables à l'humanité. A notre époque
moderne de guerre et de dépression, c'est encore une fois le cas. Si Caligula
fut possible à cette époque, qui pourrait prétendre que l'Amérique du Nouvel
Ordre Mondial devrait en être exempte ? Par conséquent, attardons-nous un
instant sur ces anciens Romains susceptibles de nous apprendre tant de choses
sur nous-mêmes. Afin de trouver des auteurs romains qui nous disent quelque
chose de vraiment crédible sur la première douzaine d'empereurs, nous devons
attendre que l'infâme dynastie julio-claudienne de Jules César, Auguste, Tibère,
Caligula, Claude, Néron et les autres eût entièrement disparu de la scène et
qu'elle eût été supplantée par d'autres maisons régnantes. Tibère régna
de 14 à 37 de notre ère; Caligula, son successeur désigné, de 37 à 41; et Néron,
de 54 à 68. Mais le premier compte-rendu exact des crimes de certains de ces
empereurs nous vient de Publius Cornelius Tacite, un très haut fonctionnaire
romain, et il parut vers 115 ou 117 de notre ère, à la fin du règne de
l'empereur Trajan. Il était possible pour Tacite d'écrire et de publier un
compte rendu plus réaliste sur les empreurs julio-claudiens parce que l'un des
thèmes constants de la propagande de Trajan fut de se glorifier lui-même d'être
un empereur éclairé en se servant de la comparaison avec la série de tyrans
sanguinaires qui le précédèrent. Tacite est important parce qu'il s'arrange
pour nous transmettre des éléments sur la façon dont le caractère
destructeur de ces empereurs dans leur vie personnelle correspondait à leurs exécutions
massives et à leur politique économique génocidaire. Tacite était familier
des mécanismes du pouvoir impérial romain : il était de rang sénatorial,
avait servi comme consul en Italie en 97 de notre ère et avait également été
gouverneur d'une importante province de l'Anatolie occidentale (aujourd'hui la
Turquie) que les Romains désignaient tout simplement du nom d'Asie. Tacite écrit
ceci, de Tibère :
(...) ses appétits criminels lui faisaient honte. Leur activité incontrôlable
était digne d'un tyran oriental. Les enfants naturels étaient ses victimes. Il
était fasciné par la beauté, la candeur juvénile et la naissance
aristocratique. On inventa de nouveaux noms pour de nouveaux types de
perversion. Des esclaves étaient chargés de découvrir et de lui procurer ce
qu'il exigeait. [...] Ce fut comme la mise à sac d'une ville capturée. Tibère
fut capable de dominer la branche législative de son gouvernement, c' est-à-dire
le sénat, par la subversion et la terreur : Telle fut, en effet, l'une des
caractéristiques horribles de cette période, en ce sens que des sénateurs
importants se muèrent en informateurs, même dans les questions les plus
banales - certains le furent ouvertement, de nombreux autres en secret. Amis et
parents étaient aussi suspects que des étrangers, les vieilles histoires aussi
néfastes que les plus récentes. Sur la Place principale, lors d'un dîner, une
remarque sur l'un ou l'autre sujet pouvait signifier des poursuites. Tout le
monde luttait pour la préséance en noircissant la victime. Parfois, il
s'agissait d'autodéfense mais, la plupart du temps, il s'agissait d'une sorte
de contagion, comme une épidémie. [...] Je comprends que pas mal d'écrivains
omettent de nombreux procès et condamnations, ennuyés par la répétition ou
effrayés de ce que les catalogues qu'eux-mêmes ont estimés pénibles et d'une
longueur exagérée n' aillent également déprimer leurs lecteurs. Mais de
nombreux incidents non répertoriés ont attiré mon attention et devraient être
connus. [...] Même les femmes étaient en danger. Elles ne pouvaient être
accusées de briguer le pouvoir suprême. Aussi donc les accusait-on de pleurer
: une vieille femme fut exécutée pour s'être lamentée de la mort de son
fils. C' est le sénat, qui trancha dans cette affaire. [...] La même année,
le prix élevé du blé faillit provoquer des émeutes. [...] Rendu frénétique
par son bain de sang, [Tibère] décida ensuite l'exécution des personnes arrêtées
pour complicité avec Séjan. Ce fut un massacre. Sans discrimination de sexe ou
d'âge, de position éminente ou de rang obscur, ils gisaient là où ils étaient
tombés, ou en tas. Parents et amis se virent interdire de se trouver à
proximité ou de se lamenter, voire même des les regarder de loin. Des gardes
les entouraient, guettant leur chagrin, et gardaient les corps pourrissants
jusqu'au moment où, traînés au Tibre, ils flottaient ou s'y enfonçaient.
Personne ne put les brûler ni les toucher. La terreur avait paralysé la
sympathie humaine. La vague montante de brutalité avait éloigné toute
compassion. [n.12]. Il s'agit de la même administration de Tibère que
celle louée de façon si extravagante par Velleius Paterculus. L'autre auteur
latin écrivant sur ces empereurs julio-claudiens fut Gaius Suétone
Tranquillus, beaucoup moins capable que Tacite de comprendre les grands problèmes
de la ligne politique impériale qu'influencèrent ces empereurs dégénérés.
Suétone est en quelque sorte la version tabloïde de Tacite, et il se concentre
sur les horreurs et perversions des empereurs dans leur sphère personnelle, de
même que sur les bains de sang qu'ils ordonnèrent. Puisque de nombreux
lecteurs, au cours des siècles, ont trouvé ces chroniques hautement
accessibles, Suétone a toujours été beaucoup lu. En raison des lacunes des
manuscrits de l'oeuvre de Tacite qui nous sont parvenus, beaucoup de ce que nous
connaissons du règne de Caligula (Gaius Caesar, au pouvoir de 37 à 41 de notre
ère) provient du livre de Suétone connu sous le titre Les vies des douze Césars.
Le caractère et l' administration de Caligula présente des similitudes
frappantes avec le sujet du présent ouvrage. En tant que stoïque, Caligula fut
un grand admirateur de sa propre «rigueur immuable ». Sa devise était «
Souvenez-vous que j'ai le droit de faire n' importe quoi à n'importe qui ». Il
ne se mit nullement à l'abri de ce caractère vindicatif sanguinaire. Caligula
était un fanatique de l'équipe verte dans les arènes de Rome et, un jour que
la foule applaudissait un conducteur de char qui portait une couleur différente,
Caligula s'exclama : « Je souhaiterais que le peuple romain n'ait qu'un
seul cou ! » Au cours de l'un de ses dîners d' Etat, Caligula éclata d'un fou
rire incontrôlable et lorsqu'un consul lui demanda ce qu'il trouvait si
amusant, il répliqua que c 'était la pensée de savoir que l' empereur
Caligula avait le pouvoir de faire trancher les gorges des hauts fonctionnaires
où et quand bon lui semblait. Caligua appliqua cette même attitude dans
son existence personnelle : chaque fois qu'il embrassait ou caressait le cou de
sa femme ou d'une de ses maîtresses, il aimait faire remarquer : « Cette belle
tête peut tomber à tout moment : il suffit que j'en donne l'ordre. »
Par-dessus tout, Caligula était vindicatif. Après sa mort, deux carnets de
notes furent retrouvés parmi ses papiers personnels, l'un intitulé «Le glaive
» et l'autre « La dague ». C'était des listes de personnes qu'il avait
proscrites et liquidées et elles étaient les précurseurs des listes d'
ennemis et des comités de discrédit d'aujourd'hui. Suétone dit franchement de
Caligula qu'il est « un monstre » et il se penche sur les racines
psychologiques de ses dispositions pour le crime : « Je pense pouvoir attribuer
à une faiblesse mentale l'existence de deux défauts exactement opposés chez
la même personne, une extrême assurance, d'une part, et d'autre part, une
timidité excessive. » Caligula était « plein de menaces » contre les
barbares » mais, en même temps, il était prompt à battre en retraite précipitamment
et était sujet à des accès de panique. Caligula travaillait sur « le langage
de son corps » en « pratiquant toute sorte d'expressions terribles et
effrayantes devant un miroir ». Caligula construisit une extension à son
palais pour qu'il soit relié au temple de Castor et Pollux et il allait souvent
jusqu'à s'exhiber comme un objet d'adoration publique, adorant se faire saluer
du nom de « Jupiter Latiaris » par la populace. Plus tard, Caligula allait
officiellement ouvrir des temples à son propre nom. Caligula fut brutal dans sa
façon d'intimider le sénat, dont il soumettait les membres à des humiliations
ouvertes et à des attaques couvertes; de nombreux sénateurs furent «secrètement
mis à mort ». « Il lui arrivait souvent d'invectiver contre tous les sénateurs
de la même façon. » « Il traitait les autres ordres avec semblables
insolence et cruauté. » Suétone énumère des listes entières d'«
exemples spéciaux de sa brutalité innée » envers les personnes et ce, dans
toutes les circonstances de la vie. Il éprouvait du plaisir à infliger des
tortures et le révéla en liquidant ses opposants politiques ou ceux qui
l'avaient insulté ou dédaigné d'une façon ou d'une autre. Il avait une prédilection
pour les exécutions capitales en tant que parfaites toiles de fond pour des
soirées ou des banquets. Caligula faisait également tout ce qu'il pouvait pour
souiller et dénigrer la mémoire des grands hommes des époques révolues, de
sorte que leur renommée ne pût éclipser la sienne : « Il assaillit l'
humanité de quasiment toute époque avec pas moins d'envie et de malice que
d'insolence et de cruauté. Il fit abattre les statues d'hommes célèbres (.)
» et tenta de détruire tous les textes d'Homère. Caligula « ne
respectait ni sa propre pudeur, ni celle d'autrui ». Il dépensait inconsidérément
pour ses extravagances et ne tarda pas à vider le trésor impérial de tous les
fonds que le vieux Tibère y avait entassés. Après quoi, Caligula il tenta de
renflouer à nouveau ses coffres en recourant à un système d'espions, de
fausses accusations, de saisies de biens et de ventes publiques. Il « leva également
de nouvelles taxes dont on n'avait encore jamais entendu parler », au point que
« nulle classe, nulle marchandise ne furent plus exemptes d'un impôt ou
l'autre ». Caligula taxait toutes les denrées alimentaires, prenait un
quarantième des dédommagements dans n'importe quel procès, un huitième du
salaire quotidien des porteurs et exigeait que les prostituées lui paient une
redevance quotidienne égale au prix moyen réclamé au client pour une passe.
On prétend que cette partie de la carrière de Caligula fait l'objet d'une étude
par les personnes qui planifient le second mandat de George Bush. Caligula
ouvrit également un bordel dans son palais, afin de disposer d'une source supplémentaire
de revenus, ce qui peut préfigurer l'état-major actuel de la Maison-Blanche.
Parmi les marottes plus particulières de Caligula, Suétone parle de sa passion
de se rouler et de se vautrer dans des amas de pièces d'or. Caligula garda son
épouse, Césonie (qui, selon Suétone, n'était « ni belle, ni jeune »), avec
lui jusqu'à la fin. Mais sa plus grande dévotion allait à son cheval, qu'il
fit consul de l'Etat romain. Finalement, Caligula tomba, victime d'une
conspiration de la Garde prétorienne, dirigée par le tribun Gaius Chaerea, un
homme que Caligula avait pris un malin plaisir à humilier. [n.13] Les auteurs
de la présente étude sont convaincus que ces références à la dépravation
des empereurs romains et aux comptes rendus de ces dépravations que nous ont
livrés des auteurs comme Tacite et Suétone, sont très proches de notre tâche
consistant à suivre la carrière d'un membre de la classe sénatoriale de l'élite
anglo-américaine au travers des divers stades de sa formation, de son
apprentissage, de ses intrigues et de son ascension finale vers le pouvoir impérial.
Le modèle impérial romain est très semblable à l' américain : l'élite
dirigeante américaine d'aujourd'hui est bien plus proche du monde de Tibère et
de Caligula qu'elle ne l'est du monde de la révolution américaine ou de la
Convention constitutionnelle de 1789. Le leitmotiv de la politique présidentielle
américaine moderne est sans aucun doute un thème impérial, exprimé de façon
on ne peut plus flagrante par Bush dans son slogan pour 1990, « le Nouvel Ordre
Mondial », et, pour 1991, la « pax universalis ». Le projet central de la présidence
de Bush est la création et la consolidation d'un seul empire anglo-américain
(ou anglo-saxon) universel très proche du modèle proposé par les diverses
phases de l'Empire romain. Il est un aspect de la méthode biographico -
historique du monde gréco-romain que nous avons cherché à emprunter. Depuis
que Thucydide a composé son oeuvre monumentale sur la guerre du Péloponnèse,
ceux qui ont cherché à imiter son style - et, le meilleur d'entre eux,
l'historien romain Tite-Live - ont utilisé le procédé consistant à attribuer
de longs discours aux personnages historiques, même lorsqu'il s'avère très
peu vraisemblable que des propos aussi longs aient pu être tenus par les
protagonistes de l' époque. Cela n'a rien à voir avec le dialogue synthétique
des actuels écrits politiques américains tentant de présenter les événements
historiques comme une série d'échanges triviaux et banals dignes d'un
feuilleton à la mode et qui se poursuivent dans d'interminables longueurs, au
point de suggérer que leurs auteurs sont payés à la ligne. Notre conception
de la fidélité au style classique a tout simplement consisté à faire parler
George Bush en personne chaque fois que la chose était possible, par le biais
du discours direct. Nous sommes convaincus qu'en permettant à George Bush de
s'exprimer lui-même de cette façon, nous fournissons au lecteur un compte
rendu plus fidèle - et plus accablant - des actes de Bush. George Bush pourrait
aisément admettre que « l'histoire est une biographie », bien que nous
doutions qu'il soit d'accord avec la moindre de nos conclusions. Il se peut que
certaines particularités du présent ouvrage, présenté comme une biographie,
méritent d'emblée quelque explication. L'une de nos hypothèses de base réside
dans le fait que George Bush est - et se considère comme - un oligarque. La
notion d'oligarchie inclut avant toute chose l'idée d'un patricien et d'une
famille opulente capables d'introduire leur progéniture dans des institutions
élitistes comme Andover, Yale, et autres temples d'une certaine franc-maçonnerie.
A cette idée d'oligarchie est également inhérente l'autoconception de ce que
l'oligarque appartient à une race spéciale, de rang élevé, de l'humanité,
une race supérieure au commun des mortels dans le sens d'une supériorité génétique
héréditaire. Cette mentalité va généralement de pair avec une fascination
pour l' eugénisme, la conscience de sa race et un racisme simpliste en tant que
moyens de bâtir toute une histoire autour du fait que l'arbre généalogique et
la souche raciale de sa propre famille sont en effet supérieurs. Ces notions de
« souche supérieure » sont une constante dans l'histoire de l' aristocratie féodale
et nobiliaire de l'Europe, spécialement en Grande-Bretagne, et des individus
comme Bush doivent nécessairement tendre à vouloir en être. Dans les cas extrêmes,
des oligarques comme Bush se voient sous les traits de demi-dieux occupant une
position située à mi-chemin des immortels du dessus et de la foule du menu
fretin du dessous. Le point culminant de ce délire insensé dont, visiblement,
Bush souffre depuis longtemps, est la croyance obsessionnelle en le fait que les
principales familles de l'élite anglo - américaine, rassemblées dans leurs
ordres maçonniques, constituent directement, d'elles-mêmes, un panthéon
olympien de déités vivantes qui ont la capacité d'abroger et de mépriser les
lois de l' univers au gré de leurs caprices irrationnels. Si nous ne tenons pas
compte de cet élément d'orgueil démesuré, fatal et mégalomane, les lignes
de conduite complètement aberrantes des Anglo-Américains dans la guerre du
Golfe, les finances internationales ou l'épidémie du sida, défient à coup sûr
toute compréhension. Une partie de l'éthique de l' oligarchisme tel qu'il est
pratiqué par George Bush réside dans l'emphase qu'il met sur le pedigree et la
filiation sanguine de sa propre famille. Ceci explique l'attention que nous
consacrons, dans les premiers chapitres de ce livre à l'arbre généalogique
des Bush, remontant jusqu'au 19e siècle et même plus loin encore. Il est
impossible de comprendre réellement la mentalité de Bush si nous ne réalisons
pas à quel point il est important pour lui d'être considéré comme un cousin,
même lointain, de la reine Elisabeth II ou de la famille des
Mountbatten-Windsor, ou que son épouse Barbara ne souhaite pas que nous
oublions qu'elle est d'une certaine façon une descendante du président
Franklin Pierce. Pour des raisons du même genre, il est de notre devoir
particulier d' illustrer le rôle joué dans la formation de George Bush en tant
que personnalité par son grand-père maternel et son oncle, George Herbert
Walker et George Herbert Walker, Jr., ainsi que par le père même de George
H.W. Bush, feu le sénateur Prescott Bush. Dans l'accomplissement de cette tâche,
nous devrons nous étendre longuement sur l'institution dont George Bush est le
plus tributaire, la banque internationale d'investissement de Wall Street, la
Brown Brothers, Harriman, la dynastie politique et financière déjà citée
plus haut. Pour George Bush, la Brown Brothers, Harriman fut et reste une firme
familiale dans le sens le plus profond du terme. La puissance formidable de
cette banque et de son réseau tentaculaire, omniprésent, développé par le sénateur
Prescott Bush jusqu' à l'heure de sa mort en 1972, et toujours actif pour
le compte de George Bush actuellement, est la seule clé d'une importance
capitale dans chaque étape de George Bush dans ses affaires, ses opérations
secrètes et sa carrière politique. Dans le cas de George Bush, comme bien des
personnes qui l'ont connu personnellement l'auront remarqué, le réseau joue un
rôle plus important que le caractère et la volonté mêmes de George. Le
lecteur cherchera en vain des implications reposant sur des principes forts,
dans la personnalité de George Bush; tout au plus trouvera-t-il une série
d'obsessions caractéristiques, dont les plus durables sont la race, la vanité,
l'ambition personnelle et la volonté de régler leur compte à ses adversaires.
Ce qui émerge, par contraste, est l'importance décisive du réseau de
relations de Bush. Sa réponse à la crise du Golfe de 1991 sera largement prédéterminée,
non pas par de larges éclairs d'intelligence géopolitique, mais plutôt par
ses rapports étroits avec l'oligarchie britannique, avec Kissinger, avec Israël
et les cercles sionistes, avec les magnats texans du pétrole constituant la
base de ses collectes de fonds, avec les familles royales de l'Arabie saoudite
et du Koweït. Si le problème est un problème financier, dans ce cas,
les avis de J. Hugh Liedtke, Henry Kravis, Robert Mosbacher, T. Boone Pickens,
Nicholas Brady, James Baker III et la City de Londres seront décisifs. Si ce
sont des opérations sous le manteau et des affaires peu reluisantes qui
figurent à l'ordre du jour, dans ce cas, c'est toute une écurie de vieux
briscards de la CIA qu'il ira consulter et ainsi de suite. Au cours de la
majeure partie de l'année 1989, malgré son contrôle sur la présidence, Bush
apparut sous les traits d'un exécutant faible et passif attendant que ses réseaux
lui montrent ce qu'il était supposé faire. Lorsque la réunification de l'
Allemagne et l' effondrement de l 'Empire soviétique firent passer à l'action
ces réseaux - les réseaux britanniques en premier lieu -, Bush fut brusquement
en état de se lancer dans des aventures violentes et audacieuses. Au fur et à
mesure que s'approche la bataille pour son second mandat prédidentiel, Bush
peut montrer des signes croissants de capacités telles un esprit d'initiative
motivé par la rage de vaincre, particulièrement lorsqu'il s'agit de lancer de
nouvelles guerres destinées à assurer sa réélection. La biographie a une
discipline qui lui est propre : elle doit s'occuper de la vie du personnage
qu'elle décrit et ne peut trop s'en écarter. En aucune façon, il n'était de
notre intention de proposer un compte rendu de l' histoire américaine durant
l'existence de George Bush. Néanmoins, la présente étude reflète maints
aspects de cette histoire récente du déclin américain. On notera que Bush a réussi
une ascension dont le succès est proportionnel à l'échec du pays et que
l'avancement de Bush a progressé à la même allure que la dégradation de la
scène nationale sur laquelle il a opéré et qu'il a fini par dominer. A différentes
phases de sa carrière, Bush est entré en conflit avec des personnes qui lui étaient
supérieures, tant intellectuellement que moralement. L'une d'entre elles n'était
autre que le sénateur Yarborough, et une autre, le sénateur Frank Church. On
trouvera dans la présente étude un catalogue du constant déclin des qualités
des adversaires de Bush en tant que types humains et ce, jusque dans les années
80, époque à laquelle ses opposants, comme c'est le cas de Al Haig, ne valent
pas mieux que Bush en personne. Quant à la pertinence politique de notre
projet, nous pensons qu'elle est très réelle. Pendant la crise du Golfs, il
aurait été important pour le public d'en savoir plus sur les tractations
d'affaires de Bush avec la famille royale du Koweït. Au cours de la campagne présidentielle
de 1992, comme la récente récolte d'OPA à crédit assistée par des
obligations de pacotille s'amoncellent dans l'entrée du tribunal des faillites
et que les travailleurs de l'Etat du pays tout entier ont été informés que
les pensions de retraite qu'on leur avait promises ne leur seraient jamais payées,
les relations entre George Bush et Henry Kravis vont certainement constituer un
événement politique explosif. De même, une fois que le pedigree britannique
et kissingerien de Bush aura été reconnu, les méthodes qu'il est susceptible
d'utiliser dans des situations telles que le renversement planifié dans le plus
pur style roumain du régime de Castro à Cuba, ou dans le déclenchement d'une
belle petite guerre nucléaire impliquant la Corée du Nord, ou d'une nouvelle
guerre indo-pakistanaise, ne sont plus guère mystérieuses. Les auteurs ont eu
quelque mal à rendre ce travail intelligible pour les lecteurs du monde entier.
Nous proposons cet ouvrage à ceux qui partagent notre aversion envers le Nouvel
Ordre Mondial impérialiste et colonialiste et notre profonde horreur à l'égard
du concept du retour à un seul Empire romain de dimension mondiale, comme le
suggère le slogan de Bush parlant de « pax universalis ». Cet ouvrage est une
preuve tangible de ce qu'il existe une opposition à Bush au sein même des
Etats-Unis et que le nouveau Caligula est très vulnérable, bien sûr, au
niveau de la dénonciation de ses propres méfaits. On nous reprochera de
n'avoir pas publié cet ouvrage avant les élections de 1988, lorsqu'on aurait
pu éviter la présidence de Bush. C'est vrai, sans aucun doute, mais c'est une
objection que l'on pourrait adresser à de nombreuses institutions et agences
dont les ressources dépassent de loin nos modestes possibilités. Nous ne
pouvons que rappeler à nos concitoyens que lorsqu'il leur demande leurs voix en
faveur de sa réélection, George Bush pénètre également dans ce tribunal de
l'opinion publique au cours duquel il est forcé de répondre à leurs
questions. Ils ne devraient donc pas gaspiller cette occasion de le cuisinier
sur tous les aspects de sa carrière et sur ses intentions futures, puisque
c'est Bush qui se présente à eux pour leur demander leur soutien. Ne nous berçons
pas d'illusions : nous n'avons pas dit le dernier mot sur George Bush. Mais,
pour la première fois, nous avons à tout le moins esquissé quelques-unes de
ses caractéristiques les plus saillantes et en avons fait un tout intelligible.
Nous encourageons les citoyens éveillés et lucides, de même que les
chercheurs spécialisés, à améliorer ce que nous avons été à même
d'accomplir. En agissant de la sorte, nous rappelons les mots du Florentin
Giovanni Boccaccio, dit Boccace, lorsqu'il accepta à contre-coeur l'ordre d'un
monarque puissant de produire un compte rendu sur l'ancien panthéon romain : «
SI MINUS BENE DIXERO SALTEM AD MELIUS DICENDUM PRUDENTIOREM ALTERUM EXCITABO. »
BOCCACCIO, GENEALOGIA DEORUM GENTILIUM
NOTES:
1. George Bush & Vic Gold, Looking Forward, (New York: Doubleday, 1987),
p.47.
2. Fitzhugh Green, Looking Forward, (New York: Hippocrene, 1989), p.53.
3. Harry Hurt III, "George Bush, Plucky Lad" (GB : un gars qui a du
cran), Texas Monthly, juin 1983, p.142.
4. Richard Ben Cramer, "How He Got Here" (Comment il en est arrivé là),
Esquire, juin 1991, p.84.
5. Joe Hyams, Flight of the Avenger (New York, 1991), p. ?.
6. Nicholas King, George Bush: A Biography (New York, Dodd, Mead, 1980), p.xi.
7. Donnie Radcliffe, Simply Barbara Bush, (New York: Warner, 1989), p.103.
8. Rainer Bonhorst,George Bush, Der neue Mann im Weissen Haus, (Bergisch
Gladbach: Gustav Luebbe Verlag, 1988), pp.80- 81.
9. Voir "The Roar of the Crowd" (Le grondement de la foule), Texas
Monthly,
novembre, 1991. Voir également Jan Jarboe, "Meaner Than a Junkyard
Dog"
(Plus radin qu'un chien de chifonnier), Texas Monthly, avril 1991, p.122 ff.
Ici, Wyatt fait remarquer : « Je savais dès le début que George Bush n' était
venu au Texas que par ambition politique. Il a débarqué ici d' un avion
appartenant à Dresser Industries. Son père était membre du conseil d'
administration de Dresser. »
10. Darwin Payne, Initiative in Energy (New York: Simon and Shuster, 1979),
p.233.
11. John Selby Watson (traducteur), Sallust, Florus, and Velleius Paterculus
(Londres : George Bell and Son, 1879), pp.542-546.
12. Cornelius Tacite, The Annals of Imperial Rome (Penguin, 1962), pp.193-221.
13. Gaius Suetonius Tranquillus, The Lives of the Twelve Caesars (New York:
Modern Library, 1931), pp.165-204, passim.