1er novembre 2002 –
Fête de la Toussaint
Apo 7,2-4.9-14 ; 1 Jn 3,1-3 ; Mt 5,1-12a
Depuis
quelques années, on parle souvent en certains milieux de l’instauration d’un
« nouvel ordre mondial ». Malheureusement,
les efforts faits en ce sens ont souvent consisté à entreprendre l’extermination
ou « l’éradication » de ceux que l’on considère « ennemis »,
et le résultat à date est plutôt un « dés-ordre » caractérisé par
une violence parfois presque apocalyptique.
L’instauration
d’une nouvel ordre mondial avait déjà été proclamé il y a plus de deux mille
ans par Jésus de Nazareth, qui avait tracé dans ce que nous appelons le « Sermon
sur la Montagne » les grandes lignes de cet ordre et les moyens pour
le réaliser. La partie principale
de ce long discours est évidemment celle que nous venons de lire et qui a
trait aux « Béatitudes ».
Le
Royaume que veut instaurer Jésus est un royaume où tous sont appelés au bonheur.
« Bienheureux » proclame-t-il huit fois. Chacune de ces béatitudes s’exprime en deux
membres de phrase, dont le premier énonce une attitude ou une activité, et
l’autre une promesse. Le code de la
Nouvelle Alliance n’est pas fait de préceptes et de menaces, mais d’invitation
et de promesse.
La
première et la dernière de ces béatitudes sont très semblables. De fait le second membre de phrase est le même
dans chaque cas. La traduction française
de notre lectionnaire dit « …car le royaume des cieux est à eux ».
Cette traduction française, pour traditionnelle qu’elle soit, ne rend pas
le sens du grec « è basileia » qui signifie « royauté »
et non « royaume ». Il vaudrait donc mieux traduire, comme le fait
la belle traduction espagnole du Père Alonso Schökel : « Car ils
ont Dieu pour Roi ».
Ceux
qui ont Dieu pour Roi sont ceux qui « ont choisi d’être pauvres »
-- ce qui est aussi très différent de l’interprétation à laquelle arrive une
certaine gymnastique exégétique selon laquelle Jésus parlerait de ceux qui
sont pauvres par l’esprit alors même qu’ils jouissent de grandes richesses
matérielles. Il faut lire ce « pauvre à cause de l’Esprit »
à la lumière de ce que Jésus dira en peu plus loin (en Matt. 6,24) sur l’impossibilité
de servir deux maîtres, d’avoir deux rois : Dieu et Mammon.
Jésus dit ici que bienheureux sont ceux qui ont choisi d’être pauvres,
car ils ont choisi Dieu et non pas l’argent comme Roi. Ils s’agit des anawim,
de ceux qui sont « vraiment » pauvres.
Mais
alors, quiconque a fait ce choix ramera toute sa vie à contre-courant en adoptant
les attitudes et les actions énumérées dans les six béatitudes suivantes.
En accomplissant les œuvres de miséricorde (bienheureux les « miséricordieux)
et en travaillant pour la paix (ce que signifie être « paci-fique »)
ils entreront nécessairement en conflit avec ceux qui veulent établir l’ordre
sur l’exploitation des plus faibles par les plus forts. C’est pourquoi, répète Jésus, « Heureux ceux qui sont persécutés
pour la justice, car ils ont Dieu pour Roi ».
Les
six béatitudes, de la seconde à la septième, promettent quelque chose à venir.
Ceux qui pleurent seront consolés ; les doux hériteront la terre ;
ceux qui sont affamés de justice seront rassasiés ; ceux qui pratiquent
la miséricorde en recevront ; les cœurs purs verront Dieu, les artisans
de paix seront appelés fils de Dieu. Mais
la première et la dernière sont au temps présent : ceux qui ont choisi
d’être pauvres et qui sont persécutés par les disciples de Mammon, sont bienheureux, dès maintenant, parce qu’ils ont déjà Dieu comme Roi. Puissions-nous tous être de ceux-là.